Charles Thierry - Mieg, le voyageur pressé

Voici une petite enquête pour ceux que cela intéresse, avec plein de questions à poser aux anciens, ou à ceux qui ont eu la chance de pouvoir parcourir à pied tous les chemins escarpés du Babor...

 

Au départ de cette enquête, il y a un livre:
Dans la bibliothèque numérique Gallica, on trouve le récit du voyage en Algérie de Charles Thierry-Mieg, intitulé "Six semaines en Afrique" (livre téléchargeable en ligne).
On y voit Monsieur Thierry-Mieg parcourir à toute vitesse l'Algérie et la Tunisie; et en particulier le chapitre 6 (à partir de la page 284) décrit son passage en Petite Kabylie, en 1859, soit 6 ans seulement après la soumission des tribus du Babor.
A vrai dire les faits et gestes décrits ne sont pas passionnants, et Thierry-Mieg porte des jugements qui le positionnent bien loin de l'humanisme éclairé d'un Manuel Bugéja...Mais notre homme était aussi un bon observateur, il a noté méticuleusement ce qu'il  a vu. Son récit fourmille de détails et de scènes qui sautent aux yeux quand on les lit: le livre comporte finalement presque 70 pages rien que sur la Petite Kabylie! Et on prend finalement du plaisir à les lire...

 

Voici donc l'énigme:
A partir de la page 305, notre voyageur quite Djidjelli, pour arriver en page 319 chez le caïd Saïd-Mohammed de Ziama, puis en page 334 chez les Beni M'Hamed.
Quel chemin a-t'il emprunté? Thierry-Mieg est-il passé sur le territoire des Beni Foughal, ou plutôt sur le territoire d'autre tribus voisines? La durée du trajet vous semble-t'elle raisonnable (1 journée pour faire Djidjelli-Ziama à mulet et à cheval)
Quel peut-être le village de la page 309, construit en maisons de pierre à l'orée d'une forêt? Devant le village, des pâturages et un ruisseau. Après ce village, la route escarpée monte à travers une 'forêt vierge' avant de redescendre, encore plus escarpée...

 

J'ai déjà commencé à poser ces questions à quatre personnes, elles  pensent toutes que ce chemin traversait Beni Foughal. Deux de mes interlocuteurs ont trouvé le temps de trajet indiqué par Mieg bien trop rapide. Quant au village page 309, pour l'instant, aucune piste...
J'ai envoyé les copies de ce livre à deux oncles foughalis nés dans les années 1920/1930, j'espère qu'ils pourront faire avancer l'énigme - un de mes interlocuteurs doit aussi m'envoyer la copie d'une carte très ancienne sur laquelle figurent les chemins muletiers...
J'espère que vous pourrez vous aussi poser des questions à vos proches cet été, et que vous reviendrez avec plein d'informations!

Et en attendant, pour vous donner envie de lire ce livre, j'en retranscris ici trois passages:

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En avant marchait au pas mon cavalier d'escorte. C'était un beau jeune homme à la figure pâle et mélancolique; sa moustache blonde et ses yeux bleus lui donnaient un air européen, relevé encore par son turban blanc soigneusement attaché.
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Vêtu de blanc tout entier, sauf ses bottes molles de maroquin rouge qui jouaient dans ses larges étriers arabes, il se tenait nonchalament dans sa selle de velours cramoisi et conduisait avec grâce un beau cheval souple et docile, à l'oeil vif et intelligent, à la marche douce et sûre, au pelage blanc de lait, relevé seulement par le reflet rougeâtre au henné qui dorait des naseaux mobiles et ses jarrets nerveux
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et encore

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Il nous fallut d'abord gravir une montagne rocheuse et boisée. Le sentier passait souvent sur la pierre nue et suivait des ravins et des précipices d'une hauteur effrayante. Le moindre faux-pas de nos bêtes nous eût précipité dans l'abîme. Mais arrivé au sommet je fus ravi du spectacle qui s'offrit à mes regards: des montagnes de tous côtés, des pics élevés, pointus ou arrondis, mais toujours garnis de forêts épaisses et sombres; rarement une éclaircie dans une étroite vallée; au fond, un bras de mer éclairé par le soleil, des nuages obscurs et entassés s'entrechoquant dans un ciel orageux.
A la descente, le chemin fut encore plus difficle qu'à la montée, mais admirable de suavagerie. Imaginez de véritables forêts druidiques, des arbres gigantesques au feuillage touffu, ornes ou chênes, entrelacés par des lianes énormes qui formaient autour de leurs troncs et de l'un à l'autre un réseau inextricable, et rendaient tout passage impossible; de sombres cavernes dégouttant d'humidité et tapissées d'un lierre épais et vigoureux, fermées par de longues branches ou des lianes qui pendaient en guirlandes naturelles et sévères devant leur entrée.
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et encore

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...au sortir du bois, nous commençâmes à rencontrer des Kabyles allant à leurs travaux.
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C'étaient de beaux hommes, grands et vigoureux, à barbe noire et rarement brune, au teint sombre et hâlé, à la démarche énergique et fière, vêtus d'une espèce de chemise ou de blouse blanche sans manches (gandoura) tombant jusqu'aux genoux et ordinairement attachée autour du corps par une ceinture de cuir qui soutenait un long couteau. Ils étaient chaussés de la sandale antique attachée sur le pied et laissant à découvert sa surface supérieure. Ou bien encore, et le plus souvent, une peau de chèvre ou de boeuf non tannée et le poil tourné en dehors leur enveloppait le pied et la jambe, la défendant contre ronces et épines, espèce de bottine ou de guêtre maintenue par de forts lacets en cuir. Pour coiffure ils portaient une chachia, bonnet de laine blanche ou rouge, sans visière, en forme de cylindre ou de calotte, qui protégeait leur tête rasée. Un grand tablier de cuir appelé tabenta les couvrait entièrement depuis le menton jusqu'au dessous du genou, comme nos charpentiers
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Références
Thierry-Mieg, Charles
Six semaines en Afrique : récits de voyage
Editeur: Michel Levy frères, Paris, 1861
Cote:  NUMM 104090, Bibliothèque Numérique Gallica
Ce livre est consultable ou téléchargeable en ligne ici